« Nous avons posé le principe d’un observatoire du tissu HLM réformé »
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Interview de Marianne LAURENT par Mélanie LONGUET, journaliste au News Tank Cities, Agence d’informations pour les professionnels
Décider en toute connaissance
« Il faudra, en 2022, réfléchir à l’objet de commission de péréquation et de réorganisation, à sa pérennité et aux projets qu’elle pourra financer dans le futur une fois la 1e vague de conformité ELAN (Évolution du logement et aménagement numérique – Loi « Logement » adoptée le 23/11/2018 par le Parlement) passée. C’est pour cela que nous avons posé le principe d’un observatoire du tissu HLM réformé, pour voir comment ce tissu continue de bouger car il ne sera pas statique », déclare à News Tank Marianne Laurent, directrice générale de la Caisse de garantie du logement locatif social, le 24/09/2021.
« Il s’agira aussi d’observer comment ces groupes et ces sociétés plus importantes mettent à profit leur taille supérieure pour être plus efficients dans leurs actions par la maitrise des coûts et la mutualisation des moyens. Cet observatoire réunira les parties prenantes avec le ministère chargé du Logement, l’USH, les fédérations… », dit-elle.
La commission a, « à date, engagé 77 M€ en 2 ans et étudié 122 projets sur toutes les familles d’HLM. La moitié de la somme porte sur les aides au regroupement et un tiers sur l’aide à la rénovation urbaine. Nous avons accompagné une vingtaine de fusion et une vingtaine de sociétés de coordination ».
Si la commission a poursuivi son activité durant la crise sanitaire, « sur le plan des garanties 2020 a été un temps plutôt calme avec une chute d’activité de 40 % », poursuit Marianne Laurent. « Nous avons délivré 200 garanties pour moins de 200 M€. En 2021, nous constatons un effet rebond et nous estimons que l’année finira vers 350 M€ de garanties délivrées. Les deux tiers de cette activité sont relatifs aux outils du plan logement de la CDC (Caisse des dépôts et consignations – Institution financière publique qui assure un service d’intérêt général et de développement économique pour le compte de l’État français et des collectivités) avec les prêts de haut de bilan, les PHB (Prêt de haut de bilan) chantier mis en place pendant la crise du Covid et les prêts à taux fixe ».
Marianne Laurent répond aux questions de News Tank.
« En 2021, nous constatons un effet rebond et estimons que l’année finira vers 350 M€ de garanties délivrées. »
Vous avez quitté La Banque des Territoires après plusieurs années à la direction des prêts. De cette expérience, que retenez-vous de l’activité des bailleurs sociaux et des dispositifs d’aide qui leur sont consacrés ?
J’ai pris la direction des prêts au début 2017 et nous avons rapidement été confrontés à la loi de finances initiale de 2018 avec l’instauration de la réduction de loyer de solidarité (RLS) puis la loi ELAN (Évolution du logement et aménagement numérique – Loi « Logement » adoptée le 23/11/2018 par le Parlement). Ces années ont été assez chahutées pour nous et pour le secteur. Mais après cette période, cela a été une source de grandes opportunités. Côté Banque des Territoires à la Caisse des dépôts, nous avons déployé un nombre très important de dispositifs nouveaux pour les bailleurs, et les dispositifs de soutien d’Action Logement sont venus s’ajouter. Les bailleurs sociaux ont à leur disposition un large spectre de dispositifs de financement.
En dehors du dispositif d’allongement de la dette, ils ont mis du temps à se saisir de ces nouveaux outils et à les utiliser pleinement. Il y avait une forme de sidération et une grande incertitude dans cette période. Les bailleurs sociaux naviguaient à vue. Nous sommes passés d’une offre de financement standards des PLUS (Prêt locatif à usage social – catégorie correspondant aux HLM traditionnels (65 % de la population française éligible), loyers plus élevés que pour ceux des logements PLAI), PLS (Prêt locatif social – Les bailleurs bénéficient d’une TVA à taux réduit (taux identique aux PLUS et PLAI) et d’une exonération de Taxe foncière de 25 ans, contre conventionnement APL avec l’État) et PLAI (Prêt locatif aidé d’intégration – réservés aux personnes en situation de grande précarité) à des dispositifs plus sophistiqués : des prêts à taux fixe, de haut de bilan, des titres participatifs, des réaménagements massifs de dette. Il y a eu effet d’apprentissage.
En 2020, la crise sanitaire s’est greffée sur cette situation et a ralenti la construction et les opérations de réhabilitation. Mais, aujourd’hui, les bailleurs sociaux repartent sur des ambitions de construction, de réhabilitation thermique pour concourir à la stratégie bas carbone et le nouveau programme de renouvellement urbaine démarrera pour de bon. Les regroupements et réorganisation d’organismes sont avancés.
Le principal enseignement que je tire de la période, c’est que nous avons créé de nombreux dispositifs simultanément et qu’il a fallu un temps d’apprentissage, d’adaptation, de réorganisation, qui a généré de l’attentisme dans un contexte d’incertitude. Or un investisseur a besoin d’y voir clair à moyen terme sur le plan financier et réglementaire, et les bailleurs sociaux sont des investisseurs impor‐tants. Toutefois, 2021 montre un effet rebond.
Quelle est votre feuille de route à la direction générale de la CGLLS (Caisse de garantie du logement locatif social) ?
La feuille de route est organisée par un contrat d’objectif et de performance, signé en 2019. C’est un contrat pluriannuel qui a vocation à être actualisé. Nous allons regarder avec les tutelles quelle actualisation est possible ou nécessaire au vu de l’actualité récente et de l’impulsion que je peux avoir sur le sujet.
Depuis mon arrivée à la CGLLS, j’ai consacré mon temps à poursuivre le travail partenarial avec l’Union sociale pour l’habitat (USH) et les fédérations car les conventions pluriannuelles arrivent à échéance à la fin 2021.
Nous avons des enjeux managériaux, avec un turn-over important des équipes. J’aurai recruté toutes les équipes d’ici à la fin 2021. Il nous faut aussi poursuivre la modernisation de l’établissement et la digitalisation des processus. Une plateforme existe et instruit les demandes de garanties de manière dématérialisée, ainsi que les télé-déclarations des bailleurs pour les cotisations. Sur la partie coti‐sations, un simulateur est mis à disposition des bailleurs qui leur permet d’estimer le calcul de la cotisation et d’avoir des chiffres plus fiables en vue de leurs budgets. Nous arrivons à quasiment 100 % de taux de télé-déclaration et de taux d’encaissement. Il faut aussi que nous progressions sur certains délais avec des protocoles d’aide, échus depuis quelques années. Un travail important a été fait en 2021 pour clôturer des protocoles quand les bailleurs sont rétablis. Nous devrions aussi améliorer le dispositif de prévention des risques financiers, nous y travaillons avec les fédérations pour avoir des analyses plus systématiques des plans moyens à terme. J’aimerais que nous fonctionnions comme une vigie plutôt que comme un pompier.
Il faudra des évolutions de la commission de réorganisation. Nous allons proposer le pilotage d’un observatoire sur la réorganisation, pour accompagner les groupes nouvellement constitués et ceux qui évoluent sur le plan capitalistique. Nous sommes aussi un organisme financier sous la supervision de l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, intégrée à la Banque de France – chargée de la surveillance de l’activité des banques et assurances en France) et faisons preuve de vigilance sur la concentration du secteur. Enfin, comme nous avons une contrainte budgétaire, nous sommes un petit organisme avec moins de 30 salariés. Cette expertise doit être maintenue.
Quels constats faites-vous sur l’activité des organismes HLM ayant recours aux différents dispositifs de la CGLLS dans un contexte encore marqué par la crise sanitaire ?
De nombreux bailleurs sociaux dont la situation financière est saine ou rétablie viennent ou reviennent nous voir car les enjeux d’investissements sont tels, avec le NPNRU (Nouveau programme national de rénovation urbaine) et la réhabilitation thermique, qu’ils ont besoin de tous les financeurs publics.
Pendant la crise sanitaire, la commission de réorganisation battait son plein mais sur le plan des garanties 2020 a été un temps plutôt calme avec une chute d’activité de 40 %. Nous avons délivré 200 garanties pour moins de 200 M€. En 2021, nous constatons un effet rebond et nous estimons que l’année finira vers 350 M€ de garanties délivrées. Les deux tiers de cette activité sont relatifs aux outils du plan logement de la CDC (Caisse des dépôts et consignations – Institution financière publique qui assure un service d’intérêt général et de développement économique pour le compte de l’État français et des collectivités) avec les prêts de haut de bilan, les PHB (Prêt de haut de bilan) chantier mis en place pendant la crise du Covid et les prêts à taux fixe.
Comme il y a un décalage dans l’appropriation des outils par les bailleurs, nous voyons arriver les demandes de garantie maintenant sur les nouveaux prêts alors qu’ils ont été lancés à compter de 2018. Les collectivités locales ont aussi tendance à garantir un peu moins les prêts à taux fixes et les prêts Booster. Nous sommes donc directement liés, en seconde ligne, à la Caisse des dépôts.
Les collectivités refusent-elles davantage de garantir les prêts à la suite de la période électorale ? Les refus mettent-ils en péril des opérations ?
Nous trouvons des cas de figure où les collectivités locales refusent de garantir des prêts classiques, les PLAI par exemple. Dans ce cas, toute l’opération est en péril car la CDC ne peut pas prêter sans garantie. Alors, seule la CGLLS va pouvoir intervenir pour garantir des prêts allant de 50 à 80 ans.
Quand nous sommes sur plusieurs strates de financement avec du prêt à taux fixe dans l’opération, l’absence de garantie de la collectivité ne remet pas en cause toute l’opération puisque le bailleur peut réintégrer des prêts traditionnels à son plan de financement. Mais ce serait une perte d’opportunité qui renchérit le coût de l’opération.
En 2021, nous serons alignés sur les volumes de prêts de la Banque des territoires des années antérieures et nous verrons arriver plus tard l’impact sur l’activité de la baisse des agréments et des autorisations de permis de construire de 2020. Nous ne constatons donc pas encore de blocage. En revanche, nous avons constaté un ralentissement de l’activité du fond de soutien à l’innovation. En 2020, l’année a été plutôt atone mais l’activité a crû de 50 % d’activité en 2021. 170 projets ont été financés contre moins de 100 en 2020. Cela montre que les bailleurs sociaux ont repris le cours de leur activité traditionnelle.
Comment se déroule l’activité de la commission de péréquation et de réorganisation plusieurs mois après la date limite de mise en œuvre des regroupements d’organismes? Quel sera le rôle d’un observatoire de la réorganisation du tissu HLM ?
La commission est récente avec deux ans d’existence. Auparavant, il existait déjà une commission de réorganisation. La péréquation se fait finalement par le biais de la cotisation. Globalement, la commission a beaucoup travaillé. Nous avons, à date, engagé 77 M€ en deux ans et étudié 122 projets concernant toutes les familles d’HLM. La moitié de cette somme porte sur les aides au regroupement et un tiers sur l’aide à la rénovation urbaine. Nous avons accompagné une vingtaine de fusion et une vingtaine de sociétés de coordination. Des dossiers continuent d’arriver car nous avons aussi financé des études préalables. Cette commission va continuer à vivre, en atterrissage, pendant 2022.
Il faudra, en 2022, réfléchir à son objet, à sa pérennité et aux projets qu’elle pourra financer dans le futur une fois la première vague de conformité ELAN (Évolution du logement et aménagement numérique – Loi « Logement » adoptée le 23/11/2018 par le Parlement) passée. C’est pour cela que nous avons posé le principe d’un observatoire du tissu HLM réformé, pour voir comment ce tissu continue de bouger car il ne sera pas statique. Il s’agira aussi d’observer comment ces groupes et ces sociétés plus importantes mettent à profit leur taille supérieure pour être plus efficients dans leurs actions par la maîtrise des coûts et la mutualisation des moyens. Cet observatoire réunira les parties prenantes avec le ministère chargé du logement, l’USH, les fédérations…
Voyez-vous une accélération des demandes d’aides liées au lancement opérationnel du NPNRU ?
Nous pouvons voir le NPNRU sous deux prismes. Nous garantissons des opérations NPNRU (Nouveau programme national de rénovation urbaine) et dans le cadre de la CPR (Commission de péréquation et de réorganisation), nous prenons en charge une partie des coûts d’ingénierie de la rénovation urbaine. Sur les 75 M€ déployés par la CPR, 25 M€ sont dédiés au dispositif, ce qui n’est pas du tout marginal. Et nous continuons de recevoir régulièrement des demandes. C’est à cela que nous voyons que les opérations vont se lancer, les bailleurs sociaux commencent par anticiper avec les études d’ingénierie.
Les bailleurs sociaux ayant recours aux protocoles d’aide sont pour beaucoup des bailleurs qui ont des programmes ANRU importants. Cela veut dire qu’il y a une difficulté financière à faire face à la masse de travaux. Quand la CGLLS accompagne les bailleurs sociaux, les subventions de l’ANRU sont majorées par exemple. Un dialogue s’installe alors entre l’ANRU et la CGLLS pour s’accorder sur la liste des bailleurs sociaux qui peuvent être accompagnés de manière accrue.